lun, 06/03/2017 - 14:32
Ligne rouge (nom) : Limite de sécurité. Limite de ce qui est tolérable ou considéré comme sûr. Point au-delà duquel une personne ou un groupe n’est pas prêt à négocier. Point de non-retour.
Nous avons atteint un point de non-retour. L’industrie du cloud est marquée par une culture selon laquelle tout le monde pense qu’il est indispensable d’innover et d’offrir en permanence de nouvelles fonctionnalités. Cette culture n’est pas l’apanage des développeurs, et les services Ventes ont également tendance à promettre de nouvelles fonctionnalités dans l’espoir qu’elles les aideront à fidéliser ou développer leur clientèle. Nous connaissons tous un commercial qui a dû aider un client à résoudre un problème avant de pouvoir lui vendre quelque chose !
Si les nouvelles fonctionnalités et le service client jouent un rôle important, nos clients et nous-mêmes avons réussi à changer cette culture pour mieux nous concentrer sur le déploiement de fonctionnalités affinées et de haute qualité. Pour atteindre cet objectif, nous avons créé ce que nous appelons une « ligne rouge ». J’ai la conviction que cette approche pourrait devenir une véritable référence à l’échelle de l’industrie.
Une « ligne rouge » s’appuie sur les philosophies de développement agile dont la vocation est de satisfaire le client en lui fournissant de façon précoce et continue des logiciels de valeur tout en accordant une attention permanente à l’excellence technique et à la qualité de la conception. Je vais expliquer ce point de vue en m’appuyant sur la ligne rouge mise en oeuvre dans notre entreprise.
• Définissez votre ligne rouge
Voici quelques années, nos équipes d’ingénieurs ont mis en place une métrique que nous avons baptisée « ligne rouge ». Cette ligne imaginaire nous aide à trouver l’équilibre idéal entre l’amélioration de qualité des fonctionnalités existantes et le développement de nouveautés. Elle nous aide également à comprendre combien d’efforts inutiles nous nous imposons en coûts d’assistance et, plus important encore, à quel point nos clients sont satisfaits ou frustrés par les différentes fonctionnalités que nous leur offrons.
Nos équipes étant directement chargées d’assurer le bon fonctionnement du cloud ServiceNow et d’intégrer de nouvelles fonctionnalités plus performantes, la ligne rouge constitue un indicateur de qualité majeur.
La façon dont nous la déterminons pour chaque équipe d’ingénieurs est simple : elle correspond au nombre total de problèmes liés aux fonctionnalités ou services développés et gérés par une équipe, divisé par le nombre total de clients sur une base mensuelle. Plus simplement, la ligne rouge indique, pour chaque équipe, le nombre de problèmes que nos fonctionnalités ou services entraînent chaque mois au niveau de nos clients, normalisé par le nombre total de clients. Ce qui signifie que chaque problème client doit être catégorisé et affecté à une équipe d’ingénieurs.
À titre d’exemple, si vous totalisez 10 problèmes au cours d’un mois donné et que vous comptez 100 clients, la ligne rouge est de 10/100 = 0,1. Pour 1 000 problèmes, elle sera égale à 10,0. En clair, la valeur de la ligne rouge doit être aussi basse que possible. Il importe de noter qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les différents problèmes, indépendamment de leur gravité ou du niveau de priorité défini par le client — ou par nous-mêmes dans le cadre de nos activités.
• Appliquer le principe de la ligne rouge au DevOps
En tant que société de technologie, nous devons chaque mois soumettre au management le chiffre correspondant à la ligne rouge de chaque équipe. De leur côté, les équipes suivent leur ligne rouge au quotidien afin de maintenir leur ratio au plus bas — en temps réel et de façon actionnable. Les équipes peuvent apporter des modifications et appliquer des mises à jour, utilisant ainsi le temps passé à aider les clients pour trouver des solutions alternatives. Grâce à ce gain de temps, nous pouvons aborder tous les problèmes qui se présentent, et pas uniquement les plus importants.
Lorsque nous avons commencé à mesurer la ligne rouge, nous avons remarqué une tendance intéressante : un grand nombre des problèmes identifiés étaient identiques. En focalisant chaque équipe sur les domaines qui leur étaient affectés, nous avons pu résoudre nettement plus vite ces problèmes récurrents, la plupart devenant même rapidement des « non-problèmes ».
• Équilibrer l’innovation grâce à la ligne rouge
En tant qu’entreprise, nous ne prescrivons pas un équilibre entre innovation et résolution des problèmes. Cependant, la ligne rouge nous aide à savoir où l’équipe se positionne dans cet exercice d’équilibriste permanent.
Si la ligne rouge est basse ou suit une tendance descendante, l’équipe concernée pourra consacrer davantage de temps à innover en faveur de nouveaux services ou fonctionnalités. En revanche, si elle relève le nez, des problèmes doivent être résolus. Si la ligne rouge est plate, la qualité et l’innovation ont atteint un point d’équilibre. Et si la pente affiche une tendance à la baisse régulière et significative pendant plusieurs trimestres, il convient d’apporter des modifications en dédiant certaines ressources à la résolution des problèmes avant qu’ils ne deviennent trop graves.
L’essentiel est de comprendre les problèmes qui influent sur l’évolution de la ligne rouge pour chaque équipe. Dans certains cas, les problèmes peuvent être provoqués par la qualité médiocre de la documentation, ce qui se traduit par une hausse des questions de type « comment puis-je... ? ». Autre exemple, une équipe d’ingénieurs qui déploie un nouveau logiciel générant des problèmes de performances chez plusieurs clients. Cette ligne rouge permet de mesurer et de résoudre de tels problèmes pour que l’entreprise puisse améliorer la qualité de ses produits et le degré de satisfaction de ses clients, contribuant ainsi au succès global de son offre.
• Gagner l’adhésion au projet « ligne rouge »
Pour que nos ingénieurs adhèrent au projet « ligne rouge », nous communiquons régulièrement à propos de la philosophie sous-jacente et de notre engagement en sa faveur. Ils comprennent rapidement combien ce projet est important pour l’entreprise, et comment parvenir au juste équilibre entre résolution des problèmes et innovation.
Depuis que nous avons mis ce principe en oeuvre voici quatre ans, notre équipe s’est étoffée, passant de 50 à 700 ingénieurs. À mesure que nous recrutons de nouveaux talents, nous leur inculquons cette philosophie.
Dans cette optique, nous privilégions la communication à la formation. Nous faisons régulièrement le point sur ce projet en utilisant un tableau de bord qui affiche en permanence la ligne rouge correspondant à chaque équipe, ainsi que sa progression. C’est en plaçant la ligne rouge au centre de toutes nos décisions que nous parvenons à améliorer nos offres, à ajouter les bonnes fonctionnalités au bon moment, et à vérifier que leur qualité est optimale.
L’importance que nous accordons à la ligne rouge aide nos clients et, par conséquent, notre propre entreprise, à trouver la voie du succès.
• À quand une adoption de la ligne rouge dans l’industrie ?
Imaginez l’impact que l’adoption de cette philosophie à l’échelle de l’industrie pourrait apporter aux entreprises. Le monde du cloud doit améliorer la qualité des fonctionnalités existantes pour nos clients soient conscients de l’impact des innovations qui ont été apportées. La philosophie de la ligne rouge y contribue.
Toutefois, je comprends que si vous lancez un produit ou créez votre start-up, vous privilégiez l’innovation des fonctionnalités, et c’est une bonne chose. Mais dès que vous commencez à décoller, vos ingénieurs doivent trouver le point d’équilibre entre l’innovation et la résolution des problèmes rencontrés par les clients, ce qui exige d’exécuter les tests appropriés, de vérifier que vous disposez des outils d’automatisation adaptés, et d’améliorer les fonctionnalités – sans pour autant cesser de plancher sur de nouvelles fonctionnalités.
En appliquant la philosophie de la ligne rouge, nous avons réussi à transformer notre culture, en faisant de l’expérience client la base de notre entreprise. Si l’industrie au sens large
l’adopte à son tour, nous pourrons changer notre culture collective et parvenir à l’équilibre entre innovation et qualité en fournissant à nos clients des fonctionnalités qui les aideront à tirer leur épingle du jeu. Nous fixons également la limite des problèmes que nous tolérerons comme acceptables.
Cette approche du développement agile et la création de notre ligne rouge nous ont permis d’atteindre le point de non-retour. J’ai la certitude que l’adoption de notre ligne rouge— ou de toute approche similaire— au niveau industriel ouvrira la voie à une culture de l’excellence, tant sur le plan de la haute qualité que de l’innovation.
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Commentaires
Bel axe de réflexion, qui mérite que l'on s'y attarde un instant.