ven, 06/09/2013 - 11:58
Il existe une corrélation intéressante entre la publicité en ligne et les technologies des bloqueurs de publicité : ils sont tous deux en pleine croissance ! Par Till Faida, co-fondateur d’Adblock Plus.
L'année dernière, selon l’Interactive Advertising Bureau et PricewaterhouseCoopers, les revenus publicitaires d’internet aux Etats Unis ont augmenté de 15% depuis 2011 s’élevant à 36,6 milliards de dollars. Quant aux revenus publicitaires sur mobiles, la croissance est encore plus importante: plus 50% par rapport à l'année précédente atteignant les 3,4 milliards de dollars. Au premier trimestre de cette année, les recettes publicitaires numériques ont atteint un record, avec 9,6 milliards de dollars, soit une augmentation de près de 16% de trimestre à trimestre en 2012.
En outre, le nombre de clics payés sur les publicités sur Google durant le premier trimestre de 2013 a augmenté de 20% par rapport au premier trimestre de 2012 et de 3% par rapport au dernier trimestre de 2012.
Cependant, au milieu de tout cela, la bête noire des annonceurs, les bloqueurs de publicités qui bloquent les publicités en ligne sont loin de mourir de faim. Je suis le président d'une organisation qui produit un tel outil : Adblock Plus. Notre extension de navigateur croît à un rythme de plus de 50%, et nous avons franchi le cap des 200 millions de téléchargements en Avril 2013. Et pendant que la publicité en ligne se développe, il y a, de la même façon, une vague proportionnelle d’internautes qui deviennent des consommateurs de publicité plus exigeants. Ils disent: “Je ne veux pas voir toutes les publicités, et je peux faire quelque chose pour éviter ça.”
Nous comprenons pourquoi nous sommes considérés par les publicitaires comme une nuisance : l’utilisation d’Adblock Plus rend le chèque encaissé par les titans du web comme Google, Facebook, Microsoft ou Yahoo, un tantinet moins élevé. De même, les petits sites internet et les entreprises peuvent souffrir lorsque leurs publicités sont bloquées et qu’ils n’ont pas suffisamment de trafic vers leurs sites, ou lorsque les publicités qu'ils publient ne génèrent pas assez de clics.
Ainsi, la publicité est importante pour internet. Mais où ceci amène l’internaute lambda ? Le contenu sur Internet et la publicité peuvent sembler en symbiose - mais en est-il ainsi ? Si deux géants amorphes comme Internet et les publicitaires ont besoin les uns des autres pour survivre, l’utilisateur lui, n’est-il pas ignoré ? Est-il en mesure de décider de la manière ils va être utilisé par cette hydre de Lerne, « L’Interadvertiser » ?
La question est : existe-t-il une solution pour une relation durable entre les utilisateurs et les publicitaires en ligne qui bénéficie aux deux ? Sans que cette solution soit tirée par les cheveux ?
Quand je me suis assis avec Wladimir Palant, qui avait développé Adblock Plus depuis 2006 pour bloquer toutes les publicités, nous sommes arrivés à la conclusion que notre bien-aimé Adblock Plus était la solution parfaite. Nous n'étions pas contre l'idée de la publicité, seulement contre la publicité ennuyeuse et importune.
Et nous avons constaté que les sites - en particulier les sites d’information, les petits sites Web et les blogs - peuvent rencontrer des difficultés financières.
Finalement nous sommes convaincus -et le restons-, que cette décision doit rester dans les mains de l’utilisateur. Les bloqueurs de publicité ne devraient pas bloquer Internet de toute publicité, mais plutôt donner aux utilisateurs le choix de bloquer les publicités qu’ils estiment gênantes. C’est à dire donner à Monsieur tout le monde le contrôle. C’est l’unique solution pour résoudre le nœud du problème.
Sur cet aspect, nous ne sommes pas seuls. Nous avons trouvé un terrain d'entente avec les groupes d’utilisateurs tels que Electronic Frontier Foundation et les chercheurs comme Doc Searls et son Harvard-based VRM-Project. De plus, des groupes comme Mozilla ont aussi recommandé notre approche.
Avec cette idée à l'esprit, Wladimir et moi avons décidé de lancer l'initiative « Publicité Acceptable » afin de créer un terrain d'entente dans un paysage publicitaire durable. Les sites qui souhaitent suivre cette initiative, demandent à être sur liste blanche, leurs annonces doivent alors être conformes aux lignes directrices que nous avons établies – c’est à dire sans clignotement, qui ne perturbent pas la lecture, en un mot : discrètes -.
Les utilisateurs d’Adblock Plus voient les publicités qui suivent cette initiative. (Mais les utilisateurs peuvent toujours décider de bloquer toutes les publicités s’ils le souhaitent, en le spécifiant dans leur propre réglage personnel).
Mais ceci ne fut pas sans controverse: quand nous avons annoncé l’initiative Publicité Acceptable, certains utilisateurs ont détesté et se sont même révoltés. Et nous rencontrons toujours des critiques parce que nous facturons à quelques grandes entités, dont les publicités sont conformes à nos normes, leur mise sous liste blanche – car nous devons nous aussi générer des revenus pour maintenir un produit si sophistiqué. Et je crois que nous sommes la seule société que je connaisse qui ne facture qu’un très petit pourcentage de ses clients.
En fin de compte, nous sommes confrontés à une industrie qui génère des milliards de dollars, dans une lutte pour sauver l’âme d’Internet. Nous pensons que notre compromis pour la publicité en ligne va faire d'Internet un endroit meilleur, bien avant que le temps fasse son œuvre, en restant dans status quo non durable au détriment de l’utilisateur.
Au final ? Les utilisateurs bénéficient d’une meilleure expérience en ligne car ils déterminent eux-mêmes quelle publicité leur est présentée sur internet. C'est un accord qui profite aux deux parties: ceux qui surfent sur le web ne sont pas bombardés de publicités gênantes et les agences de publicité sont en mesure de communiquer leurs messages plus efficacement. L’initative n'est pas destinée à stresser les publicitaires, mais tente de leur donner les outils et les directives nécessaires pour des campagnes plus efficaces, correspondant à ce qu’un toujours plus grand nombre d'utilisateurs souhaite.
Les convaincre de ceci, compte tenu des profits faramineux qu’ils génèrent en ligne, est un défi - mais c'est celui de mon équipe et de moi-même, et nous y prenons un grand plaisir chaque jour.
Till Faida, co-fondateur d’Adblock Plus
A propos de l'auteur