ven, 30/04/2010 - 14:44
Un point de vue proposé par Judy Chen-Ferlay, Chef de Projet chez Activis
« One country two systems », c’est la stratégie que Google a décidé de mettre en place en Chine en redirigeant toutes les requêtes des utilisateurs vers Google Hong Kong. Cette pirouette légale mais néanmoins polémiquée et largement médiatisée ré-ouvre aujourd’hui le débat de l’Internet libre au pays de tous les contrastes.
Même suite à la mise en place de ce dispositif, les résultats sont toujours censurés. Le blocage des résultats des requêtes indique clairement que le système de pare-feu érigé par les autorités chinoises est en mesure de filtrer toutes les recherches faites en Chine. Le « Great Firewall », système de filtrage par mots clés, est aussi un filtrage global contrôlé par le gouvernement de toutes les informations accessibles aux internautes chinois. Par cette action, Google renoue clairement avec son slogan originel « Don’t be evil ».
Les médias officiels chinois se déchaînent contre Google, en dénonçant un lien hypothétique entre Google et les services secrets américains, créant un amalgame flagrant entre Google et impérialisme.
En parallèle, les internautes nationalistes réagissent contre l’ « ennemi » Google en portant des propos très virulents à l’encontre de Google tels que « Les impérialistes partent la queue basse », et reprenant les paroles de la chanson en vogue durant de la Révolution culturelle : « Le socialisme est grand !».
D’après www.sootoo.com, pour les internautes, le départ de Google du continent chinois n’est rien d’autre qu’un « coup de pub ». Idem pour le forum Tianya, un internaute y accuse Google de « se faire de la pub gratuitement en repoussant la date de son départ ». Selon un sondage sur le site Huanqiu, qui dépend de la presse officielle « Le Quotidien du Peuple », 84% des 27 000 personnes interrogées se montrent indifférents au retrait de Google. Selon le Dr. Wang Yu de l’Université de Nanjing, « ce n’est pas la censure, mais le succès de Baidu, qui aurait poussé Google à quitter la Chine » (interview diffusée sur le site du « Quotidien du Peuple »). Google.cn est critiqué pour son manque de technologies innovatrices par rapport à la méthode de la saisie des caractères chinois proposés par Sogo.
Les Chinois estiment qu’Internet a une influence - le plus souvent négative- sur le comportement. Le filtrage des sites avec des contenus pornographiques, violents, etc., est donc perçu comme positif car il assure un contrôle parental efficace. Il ne faut pas perdre de vue que le gouvernement chinois est à l’origine du développement que connait le pays ces dernières années. Pas étonnant de ce fait que la classe moyenne, directement bénéficiaire de cette croissance, accepte le compromis. Par contre, les Chinois sont férus d’informations liés à leur vie quotidienne et chercheront à en savoir plus sur le lait contaminé, les catastrophes minières, les corruptions, alors que le gouvernement prendra le soin de filtrer ces informations. Paradoxalement, alors que certains sujets sont jugés comme épineux en Europe, citons ici le Tibet ou l’indépendance de Taïwan, ceux-ci requièrent en Chine un nombre de requête largement moins significatif.
L’affaire Google a amené un grand nombre d’internautes à réaliser à quel point le gouvernement chinois intervient dans le contrôle de l’information. La démarche suscite donc des interrogations, cette prise de conscience engendrant une critique virulente des interventions du gouvernement.
Le moteur de recherche Baidu, made in China, d’ores et déjà leader sur ce marché reste intouchable. En parallèle, la recomposition du marché local se poursuit, la place de Google étant à prendre, Sohu ne cache pas son ambition.
En parallèle, on assiste à un mouvement de sympathie en faveur de Google. Les opportunités de partages des informations et les moyens de communication avec le monde entier proposés par Google ne sont à ce jour difficilement égalés par les acteurs en place.
Malgré la redirection du site vers Hong Kong et tous les moyens que Google pourra mettre en œuvre, le géant américain aura incontestablement de la peine à garder ses parts de marché en Chine.
Judy Chen-Ferlay, Chef de Projet chez Activis
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