Pourquoi tant de déception dans la mise en ouvre d'ERP dans les PME ?

Par :
Jean-Baptiste Merel et Philippe Lansoy

mer, 06/10/2010 - 11:26

Plus adaptés aux contextes industriels, les ERP le sont beaucoup moins dès lors que l’entreprise exerce des activités de service. La part de « l’humain » est d’avantage développée dans ce cas, et a fortiori dans la PME, dont les avantages concurrentiels sont souvent liés à sa réactivité, son agilité, sa capacité à répondre aux besoins « exceptionnels » de ses clients...

... Et l’exceptionnel est, la plupart du temps, incompatible avec l’ERP. Par Jean-Baptiste Merel, Directeur Général d’Actium Développement et Philippe Lansoy, Consultant indépendant auprès de Directions Générales sur les problématiques de Systèmes d'Informations et/ou de Systèmes de Gestion.

Aujourd’hui, l’enjeu de la mise en place d'un ERP (ou PGI en français) est d'optimiser la gestion de presque toutes les fonctions de l’entreprise en régentant au plus près l’ensemble de ses processus opérationnels et fonctionnels, au travers d’un système d’information unique et centralisé. Simple, clair et précis.

Cela fait maintenant près de 10 ans, que de grands éditeurs d’ERP ont décidé de cibler les PME et leur proposent chaque année des solutions adaptées, plus souples, moins chères…et l’on voit de plus en plus de PME interrompre la mise en place de leur ERP, même après avoir consenti de lourds investissements.

Si certaines PME installent et utilisent avec succès des ERP, dans beaucoup de cas, cet investissement dont les entreprises attendent beaucoup, se traduit par un alourdissement du fonctionnement, des détournements de process, voire par un abandon pur et simple du projet.

Quelles explications, quelles leçons en tirer ?

Pour éclairer cette réflexion, il est utile de revenir à l'origine des ERP, à leur ADN …

Les ERP ont été conçus par des ingénieurs informaticiens pour alimenter les Directions Financières qui souhaitaient disposer de chiffres exhaustifs et fiables et avoir une visibilité aussi complète que possible … sur la dimension financière de l'activité. Ils donc ont construit et enrichi de vastes "entonnoirs", une implacable mécanique à traduire les évènements et les flux en écritures comptables et pour ce faire, ils ont modélisés les process en liaison avec des référentiels de logique comptable permanents, détaillés  …

Deux concepts majeurs sous-tendent l’existence de l’ERP :

-     la couverture fonctionnelle de l’ensemble des métiers et fonctions de l’entreprise

-      l’intégration complète des processus de l’entreprise.

Si les vertus de ces objectifs ne sont pas à démontrer en théorie, il nous semble qu’il en va tout autrement dans la réalité des PME.

Si votre PME a une activité normalisée avec des référentiels, des nomenclatures, des gammes, des process de production/livraison/facturation standardisés… l'ERP peut vous apporter une visibilité, une traçabilité, une connaissance des coûts appréciable ! C'est le cas par exemple de sous-traitants automobiles.

Peut-on concilier réactivité, souplesse et ERP ?

Mais, si en revanche, la force de votre PME tient à sa réactivité, à son adaptation permanente au marché et aux clients…, l'ERP peut vite se transformer en chape de plomb, tant il sait mal gérer l'urgent et l'imprévu, générant deux types de réaction :

-     On respecte les process figés par l'ERP et on perd beaucoup en créativité, en souplesse et en réactivité

-     On les contourne pour avancer malgré tout et on perd toute rigueur … conservant ainsi tous les inconvénients de l'ERP sans bénéficier de ses avantages

Si l'on partage l'idée que la force des PME tient à la primauté de l'humain sur le process, à savoir la capacité d'adapter continûment les process aux défis du business, tout en respectant des principes de gestion et de management simples, rigoureux mais flexibles, on comprend vite pourquoi tant de déceptions.

Les ERP sont des outils extrêmement « dirigistes » par nature puisqu’ils obligent à formaliser et prévoir tout ce qui peut arriver. C’est la dimension « coût » qui vient alors terminer de pervertir la mise en œuvre. En effet, ces progiciels sont de véritables ateliers de développement peu packagés et font la part belle aux développements spécifiques intégrés. L’entreprise va donc naturellement à l’essentiel et fait souvent, pour des raisons de coût de développement, l’impasse sur ses vraies spécificités.

En sortant l’homme d’une vision globale et intelligente de l’entreprise, et en l’obligeant à suivre des processus dont il ne comprend pas toujours l’objectif ou sur lesquels il n’a que peu d’influence, l’ERP est subi comme extrêmement contraignant.

Au plus proche des décisions stratégiques, les dirigeants de PME ont tout à gagner en choisissant des progiciels spécialisés, qui les aident à augmenter leur productivité sur leur cœur de Métier et répondent mieux à leurs spécificités de branche ou de métier, tout en optimisant la gestion des tâches fonctionnelles basiques, comme la gestion de la paye ou la gestion comptable par exemple

Il ne faudrait pas toutefois renier certains des apports de l'ERP à l'urbanisme des Systèmes d'Information et en particulier:

-      L'utilisation de référentiels partagés

-      L'unicité de l'information opérationnelle (descriptif des évènements et des flux) qui est enrichie par les différents acteurs

Ces exigences, maniées avec souplesse, permettent de concilier rigueur et flexibilité et de bâtir autour de briques Métier des systèmes d’information intégrés qui sont à l'ERP ce qu'est un Business Plan à feu le GOSPLAN.

 

Jean-Baptiste Merel et Philippe Lansoy

 

Jean-Baptiste Merel développe depuis plus de 15 ans son savoir-faire auprès d’éditeurs et d’intégrateurs de solutions progicielles de gestion. Il a rejoint Actium Développement en 1999, et occupe actuellement le poste de Directeur Général

Philippe Lansoy a effectué la majeure partie de son parcours professionnel dans le monde du consulting. Il a ainsi travaillé au sein des cabinets Calan Ramolino, Bossard Consultants et IXI. Depuis 2002, il intervient en qualité de Consultant indépendant auprès de Directions Générales sur les problématiques de SI et/ou de Systèmes de Gestion

A propos de l'auteur

Jean-Baptiste Merel et Philippe Lansoy