ven, 28/06/2013 - 11:10
Cela fait plus de 10 ans que le mode Saas (littéralement « le logiciel en tant que service) se développe, et avec lui les produits numériques, depuis la bulle internet autour des années 2000 et l'avènement des "web agencies".
Au-delà de leurs domaines de prédilection naturels, la gestion de la relation client et les solutions de travail collaboratives, les produits numériques envahissent peu à peu toutes les directions métier. Ils consacrent une informatique en libre service et favorisent l’émergence d’un SI orienté client, qui échappe à la DSI, celle-ci ne se trouvant ainsi reconnue que sur le SI orienté gestion. Par Bruno Mathis, Manager SterWen Consulting
Cette mutation est si profonde que certaines entreprises en ont tiré leur parti, comme L’Oréal, LVMH ou Carrefour, en intronisant un Chief Digital Officer (CDO), le plus souvent dédié aux fonctions marketing.
Le Saas ne s’est pas développé seulement pour ses avantages propres : dans de nombreuses entreprises, des directions métier y ont vu une opportunité d’échapper aux lenteurs et aux coûts élevés proposés par leur DSI. De plus, le mode de facturation dominant, l’abonnement, permet à certains projets de passer sous le radar budgétaire, tant le coût récurrent est moins visible qu’une dépense d’investissement…
Pour autant, l’exploitation, dans la durée, de produits numériques, soulève quelques questions bien classiques :
- dans certains domaines fonctionnels, les demandes d’évolutions finissent par révéler le besoin d'une maîtrise d'ouvrage et d'un support que les directions métiers sont mal armées pour se constituer elles-mêmes ;
- de même, le renforcement des contraintes réglementaires, par exemple sur la protection des données personnelles, ou des règles de cyber-sécurité, mettent en évidence le besoin d’une véritable gestion de projet pour orchestrer l’appel aux diverses compétences de l’entreprise ;
- enfin, l’accumulation de produits numériques et la reconduction tacite des abonnements ne facilitent pas la recherche d’économies à travers la mutualisation de services.
Il faut donc réintermédier la DSI.
Il ne s’agit pas d’interdire aux directions métiers de continuer à acquérir des produits numériques. A l’heure où les DSI externalisent de plus en plus leur production informatique, elles ne vont pas imposer un hébergement interne. Et alors qu’elles disposent de ressources humaines déjà limitées pour le développement des projets stratégiques, elles ne vont pas non plus remplacer les produits numériques par des développements spécifiques. En revanche, il est des fonctions régaliennes que la DSI est la mieux à même d’assurer : l’urbanisation du système d’information, la définition des normes et méthodes, le contrôle de la qualité et des coûts.
Il faut tout d’abord inscrire les produits numériques déjà utilisés au patrimoine applicatif de l’entreprise. Volumétrie des données, besoin d’intégration au SI, degré d’exposition à la réglementation, de complexité fonctionnelle, etc… sont autant d’indicateurs nécessaires à la cartographie des risques et à la détection d’opportunités de mutualisation. Par exemple, si le Département Crédit s’est abonné à un service de renseignement commercial donné, et le Département Etudes s’est abonné à un service analogue concurrent, et qu’un 3e service cherche à intégrer de telles informations dans un de ses applicatifs, la DSI serait alors en situation de proposer une solution cible au coût optimal.
Ensuite, il convient de soumettre les prestataires de services numériques à un processus de référencement et de qualification des offres, comme c’est le cas depuis des années pour les fournisseurs des DSI. Ce passage d’examen permettra de valider la pertinence des offres par rapport à la stratégie de sourcing de l’entreprise et, le cas échéant, de débusquer les « boites noires » de piètre conception qui se réfugient derrière le paravent commode du mode Saas.
Enfin, il faut rationnaliser les contrats, veiller aux clauses relatives aux modalités du support et aux conditions de réversibilité, et de façon générale renverser le rapport de forces avec les prestataires de services numériques.
A l’heure où la DSI externalise de plus en plus sa production informatique, peu importent le mode d’exploitation et le lieu d’hébergement d’un logiciel ; la DSI doit jouer son rôle d’ensemblier – de plateformes, de logiciels, de services – et piloter le système d’information dans sa globalité pour en faire un levier efficace de la stratégie métier.
Bruno Mathis, Manager SterWen Consulting
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