Anita Roddick a dit un jour « si vous pensez que vous êtes trop petit(e) pour avoir un impact, essayez d'aller au lit avec un moustique dans la chambre ». C'est la mission de Fairphone en quelques mots : être ce minuscule moustique incitant un immense secteur d'activité
à prendre la responsabilité de son impact sur le monde, en instaurant un marché viable pour l'électronique éthique. L'idée est tout d’abord de visibiliser les personnes travaillant dans des conditions inacceptables tout au long de la chaîne d'approvisionnement des smartphones et bien sûr d'améliorer leurs conditions de travail.
L'idée est aussi d’allonger la durée de vie des téléphones -les utilisateurs conservant leur téléphone en moyenne 2,8 ans [1] - avant d'en acheter un nouveau, abandonnant souvent leur ancien téléphone au fond d'un tiroir. Moins de 18% des téléphones sont recyclés [2], et seule une fraction des matériaux est réellement récupérée. Il n'est pas étonnant que les déchets électroniques constituent le flux de déchets ayant la croissance la plus rapide au monde, avec 57,4 millions de tonnes de déchets électroniques produits par an [3], dont la plupart atterrissent dans des pays où les systèmes de recyclage sont sous-développés, créant ainsi des risques pour la santé et l'environnement.
Fairphone a démarré en 2010 comme une campagne de sensibilisation aux minerais de conflit, mais pour avoir un impact plus important, nous avons décidé de changer l'industrie de l’électronique de l'intérieur. Depuis 2013, nous avons construit une entreprise fabriquant des smartphones éthiques en se concentrant sur quatre domaines clés : faire des gens une priorité, s’approvisionner en matériaux équitables, circularité et longévité des produits. Sur les deux premiers domaines, nous poussons l’industrie à garantir de meilleures conditions de travail pour les personnes travaillant dans toute la chaîne d'approvisionnement, des mineurs de cobalt congolais jusqu’aux ouvriers sur les chaînes d’assemblage en Chine. Nous avons mis le focus actuellement sur 14 matériaux (dont le tungstène, l'étain, l’or, le cobalt, le cuivre, le lithium). Sur la circularité, nous travaillons sur la reprise, la réutilisation et le recyclage des téléphones. Nous mesurons le nombre de téléphones récupérés par rapport aux téléphones vendus et nous nous efforçons d’atteindre l'équilibre. En matière de déchets électroniques pour les appareils et modules du Fairphone 4 (dernier téléphone sorti en 2021), pour chaque produit vendu, nous avons collecté un produit en fin de vie, 9% de la reprise provenant du marché de l'Union Européenne et le reste de l'Afrique.
Enfin sur le longévité, Fairphone veut montrer avec ses smartphones modulaires qu’il est utile et possible de réparer un appareil cassé. La réparation facilitée est essentielle pour prolonger la durée de vie des téléphones, parce que des téléphones qui durent plus longtemps, c'est moins de téléphones produits - la phase de fabrication étant la plus coûteuse sur l'environnement avec 75% des émissions totales d'un téléphone [4] - ce qui signifie qu'utiliser un téléphone plus longtemps réduit ses émissions de CO2. Il faut d’abord extraire, raffiner, traiter les 50 à 60 minéraux nécessaires dans nos téléphones. Les logiques de l’extractivisme exercent une pression sur des ressources en diminution (minerais, eau, …), une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, des contaminations chimiques de sols et l’érosion de la biodiversité.
Sur le Fairphone 4, il est possible de changer soi-même sans aucune expertise technique les principaux modules qui peuvent facilement casser ou s’user : batterie, écran, haut-parleurs, port USB-C, caméras (avant, arrière, …), coque arrière. De plus, une garantie de 5 ans est offerte gratuitement à tous les acheteurs.
En complément de la modularité, garantir une disponibilité des pièces détachées sur une longue période et leur prix accessible encourage la réparation. Ce sont d’ailleurs deux critères de l’indice de réparabilité [5] (indice mise en place par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, en 2021), sachant que le coût moyen de remplacement d'une batterie représente sur le marché jusqu'à 14 % du coût d'origine de l'appareil, et 42 % pour un écran [6]. Fairphone obtient naturellement un excellent score (9,2 et 9,3 sur 10 pour les deux variantes de son dernier téléphone, le Fairphone 4), mais aimerait bien sûr pousser les autres fabricants de téléphones à obtenir de meilleures notes. C’est d’ailleurs pour cette raison que Fairphone a rejoint le groupe de travail mis en place par le ministère de transition écologique sur la définition de l’indice de durabilité. Cet indice est prévu pour 2024 et ira au-delà de la réparabilité de produits : il mesurera leur durabilité, en ajoutant de nouveaux critères comme leur robustesse ou leur fiabilité.
Enfin, on parle beaucoup moins du rôle du logiciel dans l’allongement de la durée de vie des téléphones, pourtant jusqu'à 40 % des consommateurs changent de téléphone en raison d'une panne, 13 à 20 % en raison d'un "manque" de support logiciel [7]. Si votre téléphone n’a plus de système d'exploitation à jour, la sécurité de votre téléphone peut être mise à mal et votre application bancaire peut par exemple refuser de se lancer. Fairphone a collaboré avec la communauté open source pour porter Android 10 sur Fairphone 2, ce qui va mener ce smartphone a plus de 7 ans de support logiciel. C’est une première dans chez les fabricants de téléphones Android de garantir un support logiciel si long !
Agnes Crepet
Head of IT and Software Longevity at Fairphone