ven, 25/02/2022 - 11:34
Le terme « les libertés numériques » englobe assez de concepts pour occuper éternellement une université. L’ironie de l’étymologie du mot « digital » mérite d’ailleurs une petite parenthèse. À l’origine, le terme désigne les chiffres 1 à 10 (ceux que l’on peut compter sur ses doigts). Désormais, il désigne le monde de l’informatique moderne. Tout, des communications à la monnaie, en passant par la photographie, est désormais plus digital qu’analogique. Alors pourquoi pas nos droits, aussi ?
Quant au terme « liberté », quel autre mot suscite autant d’émotions et d’interprétations ? Utilisé à tort et à travers, il a presque perdu son sens en tant que concept pratique. C'est en l'absence de liberté que sa signification redevient évidente. Si nous n’avons pas toujours conscience des libertés dont on dispose, on ne peut pas ignorer une perte de liberté.
Nos droits ne peuvent pas disparaître simplement parce que nous les exprimons et les contestons en ligne, plutôt qu’hors ligne. Ce n’est pas pour autant qu’il suffit de copier-coller les anciennes lois d’Internet. Le monde numérique est plus vaste et traverse toutes les frontières nationales. Il est plus rapide, presque instantané, et exige des réponses tout aussi rapides. Puis viennent les questions épineuses de la vérification de l’identité et de l’équilibre entre responsabilité et transparence, d’une part, et vie privée, d’autre part.
La sécurité s’est également numérisée pour lutter contre les abus et crimes qui touchent le monde connecté depuis ses débuts. Peut-on également affirmer que de nos jours, la criminalité sévit plus en ligne qu’hors ligne ? C’est probablement impossible à déterminer, mais nous ne devons pas nous laisser troubler par le clivage en ligne/hors ligne. Un crime est un crime, qu’il soit commis avec une arme ou un clavier. Comme en attestent les récentes attaques de ransomware contre des hôpitaux et d’autres infrastructures vitales, la cybercriminalité peut aussi coûter des vies.
Ces sujets ne peuvent pas devenir des arguments théoriques ou académiques simplement parce qu’ils font le buzz. La liberté d’expression ne relève pas que de la sémantique, surtout dans un monde sans liberté où un tweet peut conduire en prison. Certaines personnes mal intentionnées diffusent des informations erronées capables de provoquer le chaos, voire de tuer. Elles exploitent l’ouverture de notre société et de nos plateformes. Notre manière de nous protéger sans renoncer à nos droits est l’un des grands défis sociétaux du XXIe siècle.
Nous pouvons également mentionner que de grands groupes technologiques cèdent sous la pression de certains gouvernements. Ces derniers vont jusqu’à censurer du contenu d’opposition politique en mettant la pression sur les médias sociaux.
En outre, l’histoire nous a prouvé que les pratiques développées dans le monde non libre n’y restaient pas longtemps. Par exemple, les méthodes de propagande des dictatures modernes – également alimentées par les grandes entreprises technologiques américaines – ont franchi la barrière de la politique démocratique dans le monde entier.
Il y a une distinction essentielle à faire entre les mesures prises dans les pays dotés de tribunaux indépendants et les droits civils, mais le rôle des entreprises technologiques ultrapuissantes doit s'accompagner de responsabilité et de transparence.
Consommateurs et institutions ont encore une grande influence sur ces entreprises, mais s’ils refusent de l’utiliser, ils risquent de découvrir que les méchants ont une fois de plus retourné les avantages du monde libre contre eux.
Qui détient vraiment le pouvoir de décision ? Est-ce une question d’argent ? Que peut-on faire et que pouvez-vous faire ? Les informations et préoccupations ne suffisent pas, il nous faut un plan d'action. C’est exactement ce sur quoi les acteurs de la cybersécurité doivent travailler en 2022.
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