jeu, 16/06/2011 - 12:31
Le déploiement de la fibre optique est lancé. Si dans 15 ans, tout le monde devrait avoir la fibre ; qui va être servi en premier : ville ou campagne, zone blanche ou dense, pavillon ou immeuble, entreprise ou particulier ? Comment cela sera-t-il décidé et surtout les déserts numériques seront-ils enfin couverts ? Par Nicolas Aubé, président de CELESTE.
Le déploiement de l'ADSL en France a eu lieu la dernière décennie. Parce qu'il utilisait des lignes téléphoniques qui n'étaient pas prévues pour la transmission de données initialement, il a couvert la France de façon inégale. Tout s'est joué autour du central téléphonique : les opérateurs ont choisi d'équiper tel ou tel répartiteur en fonction du nombre d'abonnés potentiel. Les opérateurs alternatifs ont fait le même calcul que France Télécom, mais avec moins de répartiteurs. Au final, l'offre est inégale : un accès à de nombreux services au cœur des villes, une situation souvent mauvaise en périphérie et notamment dans les zones d'activité ; une offre plus pauvre dans les petites villes, et aucune offre dans certaines zones rurales.
C'est désormais au tour de la fibre optique. Les opérateurs, les collectivités et l'État investissent massivement avec l'ambition d'équiper toute la France d'ici 15 ans. La fibre optique s'impose déjà pour les besoins des entreprises : c'est toute la communication des entreprises avec leurs clients, fournisseurs, partenaires, télétravailleurs ; qui va basculer sur la fibre. Pour les particuliers, l’offre culturelle de demain nécessitera le très haut débit. Or on constate que les 100 000 premiers foyers équipés en fibre optique le sont presque tous … dans des grandes villes ! Va-t-on assister au même phénomène que pour l'ADSL, qui va laisser nos provinces dans un désert numérique ?
Techniquement, la fibre optique n'a pas les mêmes limitations que l'ADSL. En termes de débit, elle permet une bande passante de 100Mb/s voire 1Gb/s en émission et en réception, soit 5 à 1000 fois plus que l'ADSL qui ne permet que 20Mb/s en réception et 1Mb/s en émission. Par ailleurs, cette puissance de connexion ne dépend plus de la distance. La fameuse limite des 5 km, qui correspond à l'affaiblissement du signal sur un lien ADSL, n'existe plus en fibre optique. On a le même débit, donc la même offre de service qu'on soit à 1 km ou à 20 km du central optique.
La vraie limite est économique. Pour raccorder une entreprise ou un particulier, si la fibre existe à proximité, ou s'il est possible d'utiliser des infrastructures existantes de génie civil, alors la zone sera facile à raccorder. Prenons l'exemple d'une zone pavillonnaire : s'il faut creuser toutes les rues pour raccorder une par une toutes les maisons, le coût va être très élevé ; et les opérateurs ou les collectivités vont hésiter à faire cet investissement. Si au contraire des fourreaux sont disponibles et permettent de raccorder facilement toutes les maisons, alors les habitants auront une chance d'avoir bientôt la fibre.
Ville ou campagne ? Ce sera les grandes villes en premier, car l'initiative vient des opérateurs télécoms qui cherchent à équiper en premier les zones rentables. Est-ce à dire que les zones rurales resteront à l'abandon ? Pas nécessairement : les collectivités jouent un grand rôle pour le développement de la fibre optique sur leur territoire. Depuis 2005, elles ont investi 5 milliards d'euros pour créer des réseaux de collecte, les autoroutes de la fibre optique. Sur ces territoires, les projets de fibre optiques seront facilités. Lors des schémas d'aménagement du territoire, les zones avec une faible éligibilité ADSL sont prioritaires pour la fibre optique par rapport aux zones bien desservies.
Si elles ne sont pas raccordées en direct en fibre optique (FTTH), il est possible néanmoins que leur débit ADSL soit amélioré par la « montée en débit », c'est à dire l'équipement des sous-répartiteurs en ADSL. Par contre, les vraies «zones blanches » qui sont très éloignées des villes trouveront difficilement un modèle économique afin d'être raccordées rapidement à la fibre.
Entreprise ou particulier ? Si un particulier doit attendre qu'un opérateur se manifeste et équipe sa zone ; ce n'est pas le cas des entreprises. Une majorité de celles-ci peuvent d'ores et déjà être raccordées en fibre optique via les réseaux des collectivités. Par exemple, l'opérateur CELESTE est en mesure de raccorder 90% des entreprises en France aujourd'hui.
Le déploiement de la fibre ne suit donc pas le même schéma que celui de l'ADSL. Les collectivités ont un grand rôle à jouer, les opérateurs également, mais aussi les clients finaux qui ont un poids économique et politique. Rendez-vous dans quelques mois pour un bilan d'étape !
Nicolas Aubé, président de CELESTE
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