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Frédéric Mazué

ven, 17/04/2009 - 15:48

Ou comment dégager des bénéfices en termes d'information et de contrôle par l'analyse et l'exploitation des vides d'un réseau. Un exposé de Stéphanie Le Badezet et Pascal Cottereau de mp6
Toute entreprise communique, produit, échange des informations dans son environnement. Elle perdure en développant des partenariats explicites ou implicites avec les autres acteurs - ou seulement certains - du réseau auquel elle appartient. Ainsi développe-t-elle des liens plus ou moins proches en fonction des échanges. Graphiquement, ces relations se traduisent par un enchevêtrement de lignes reliant les uns aux autres des points qui symbolisent les différents acteurs du réseau. Les agglutinements de sites, appelés clusters, correspondent aux groupes de sites enclins à communiquer les uns avec les autres tandis que les vides dans le réseau soulignent une absence d’échanges.


Réseau de John McCain au 16/09/08 Etude de cas « Course à la Maison Blanche » - mp6

C’est justement ces clusters (en bleu sur le graphe ci-dessus) ainsi que les sites susceptibles de hiérarchiser ou juguler l’information (en orange) et pour finir les vides subsistant qu’il est intéressant d’étudier au moyen de la théorie des réseaux.

Il s’agit alors d’analyser le mode d’organisation de la communication autour d’une idée, d’un produit, d’un événement, d’une personnalité ou d’une entreprise.

La théorie des vides, quant à elle, est en réalité une extension de la théorie des réseaux. Elle vise à analyser puis exploiter les vides au sein du réseau afin d’en dégager deux bénéfices, le bénéfice en termes d’information et le bénéfice en termes de contrôle.

Le bénéfice d’information met l’accent sur le fait que les acteurs ayant des réseaux sociaux forts ont un accès plus rapide à une information pertinente et bénéficient d’un meilleur taux de retour sur investissement car ils ont une meilleure connaissance des opportunités et des moyens pour les saisir. Quant au bénéfice de contrôle, il souligne l’avantage pour un acteur de devenir influent sur son réseau. Dans de vastes réseaux, les acteurs centraux ont plus d’influence sur les négociations et contrôlent une partie des flux d’information de leur environnement.

Un vide structurel correspond donc à un espace inutilisé entre deux contacts non-redondants. Il représente en réalité de véritables opportunités tant sur le plan du bénéfice d’information que sur le bénéfice de contrôle des réseaux puisqu’il correspond à un territoire vierge et qui ne demande qu’à être conquis. Il s’agit notamment pour les entreprises de perspectives de développement prometteuses et qu’il serait regrettable de négliger.

Plusieurs points peuvent en effet être analysés et exploités pour optimiser les bénéfices de contrôle et d’information. La taille du réseau tout d’abord détermine le volume d’informations partagées par les acteurs et correspond au nombre d’acteurs non-redondants présents au sein du réseau. Plus les acteurs utilisent le réseau, plus ils lui confèrent de valeur car ils attirent de nouveaux utilisateurs en améliorant son utilité et son interactivité. Ensuite, il convient de mesurer l’efficacité du réseau. Il s’agit alors de maximiser le nombre des acteurs non-redondants en éliminant les contacts redondants. Puis vient l’étude de la performance du réseau. Celle-ci repose sur la distinction entre les acteurs primaires et les acteurs secondaires. L’objectif est alors de développer les relations entre les acteurs ayant le plus de contacts non-redondants. Enfin, il convient d’observer les liens faibles en contraste avec les liens forts. On peut en effet supposer qu’au sein d’un même cluster, les acteurs dotés de liens forts en savent à peu près autant que les autres membres du cluster. Les acteurs ont alors tendance à communiquer entre-eux. La diffusion efficace d’une information repose par conséquent davantage sur les liens faibles existants entre les acteurs de clusters séparés. En outre, il y a un véritable intérêt stratégique à occuper une place centrale au sein du réseau et à devenir l’un des pivots de la communication.

Concrètement, il s’agit pour les entreprises de savoir avec certitude qui parle d’elles, de leurs produits ou services, ce qui se dit, dans quels termes exactement, qui paralyse les échanges, les hiérarchise, etc. Cette recherche peut également être menée pour ses concurrents, un fait de société, un événement et pour une multitude d’autres sujets. Elle révèle les forces et les faiblesses d’un réseau, ainsi que les menaces et les opportunités qui y surviennent et représente par conséquent un atout concurrentiel de taille.

La théorie des vides, couplée à la théorie des réseaux, met donc en avant les manques au sein du réseau d’une entreprise. Seules les entreprises à même de combler ces vides structurels et à y développer leurs contacts parviendront à tirer au mieux parti de leur réseau . Les vides structurels, traversés par des liens faibles, soulignent en réalité, non pas la faiblesse des liens en question, mais le vide qu’ils traversent. Les entreprises se doivent, pour faire circuler l’information, de combler ces vides et de prendre enfin la mesure des imperfections subsistant dans leur communication. A l’ère du web 2.0, alors que l’internet laisse de plus en plus d’espace aux réactions des internautes et à une véritable interactivité, elles ne peuvent plus se permettre de laisser les échanges se structurer autour d’elles sans qu’elles y exercent le moindre contrôle. Pour ce faire, elles doivent développer des outils performants ou avoir la sagesse de s’entourer d’alliés capables de les aider à visualiser véritablement le réseau auquel elles appartiennent et d’en suivre l’évolution dans le temps. Ensuite, et ensuite seulement, elles pourront concentrer leurs efforts sur des actions stratégiques pertinentes et éclairées et imprimer sur le réseau une pression réelle, à la hauteur de leurs ambitions.

Pascal Cottereau, 36 ans, est Directeur des Etudes de mp6, société spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux et des contenus multilingues Web.

Diplômé ESSEC Management Spécialisé et ESIEE MS Innovation Technologique et Management de Projet, il poursuit actuellement un doctorat d’Etat en Sciences de l’Information au sein du Laboratoire d’Ingénierie de la Connaissance Multimédia Multilingue du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA). Il a également participé au lancement de la revue MIT Technology Review dans sa version française.

Stéphanie Le Badezet, 31 ans, est consultante en analyse décisionnelle au sein de mp6, société spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux et des contenus multilingues Web.

Diplômée de l’ESG et spécialisée en Marketing et en Management des Produits du Luxe, elle enseigne actuellement à l’Institut de Formation aux Affaires et à la Gestion.

A propos de l'auteur

Frédéric Mazué

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