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Par :
Stéphane Roder

lun, 17/09/2018 - 18:27

Contrairement à tout ce que l’on peut lire ou entendre, l’utilisation massive de l’intelligence artificielle peut être un des axes de réindustrialisation de la France.

A l’inverse de  la digitalisation des usages dans le grand public,  certaines entreprises sont encore très loin d’avoir accompli leur transformation numérique, faute de moyens.

Pourtant, dans son état actuel de développement, avec des applications verticales et spécialisées, l’Intelligence Artificielle est capable dès aujourd’hui d’apporter des solutions à beaucoup de niveaux de l’entreprise en effectuant certaines tâches au côté des opérationnels.

Dans le domaine marketing par exemple, l’IA permet de faire de la classification et du prédictif pour mieux cibler, mieux comprendre son marché, déterminer le meilleur prix et au final mieux vendre et augmenter sa marge. Ou encore dans la supply chain, des algorithmes gèrent les approvisionnements de manière automatique et prédictive.

L’IA peut être aussi présente dans les divers process administratifs de l’entreprise comme la comptabilité, les achats ou la gestion de la paye. Ici,  la dimension Intelligence Artificielle apparait dans les traitements pour reproduire des tâches de plus en plus complexes mais aussi intégrer des capacités de catégorisation, de réconciliation, de prédiction, de décision et enfin d’action. On parle dans ce cas ici aussi d’assistant digital –différent de celui que l’on trouve dans le BtoC - car l’Intelligence Artificielle vient compléter le travail de l’opérationnel. Et contrairement à tout ce qui peut être dit ici où là, ces systèmes intelligents, ces assistants digitaux (à ne pas confondre avec les chatbots spécialisés dans le dialogue et la compréhension des requêtes), ne fonctionnent pas seuls et surtout pas avec des informaticiens ou des ingénieurs mais avec des experts métiers. Autant l’automatisation des process (RPA - Robotic Process Automation) était programmée, autant l’assistant digital (appelé aussi Cognitive RPA) se nourrit du savoir de celui dont il est au contact, comme un subalterne avec son manager, en partageant avec lui le niveau de confiance, les points faibles à travailler (probabilités faibles de bons résultats), les optimisations possibles, les exceptions et cela tout au long de la vie de l’entreprise.

L’Intelligence Artificielle s’adapte à l’entreprise et aux métiers. Demain, loin de mettre tout le monde sur le carreau avec des visions apocalyptiques « d’entreprises robots », il faudra au contraire être capable « d’accueillir » la venue et la vie de ces nouveaux systèmes ultra dépendants des métiers. Ceci est rendu aussi possible grâce à l’Intelligence Artificielle « packagée, embarquée » dans des logiciels de gestion appelés à devenir les outils des opérationnels de tous les jours au même titre que tous les outils informatiques qui les ont précédés.

Si l’on reprend l’exemple des achats, quoi de plus simple pour un assistant digital de comprendre une facture, de lire et d’analyser le détail de ses lignes et de la catégoriser aussi bien en comptabilité qu’en catégorie d’achat. Un assistant digital, grâce à l’entrainement qu’il aura reçu sur une tâche ou un métier spécifique, réalise de lui-même avec succès jusqu’à 95% de ces actions dès son lancement. Après une intervention manuelle de quelques jours, l’utilisateur pourra affiner les prédictions de l’assistant digital mais surtout l’adapter à son contexte particulier de travail.

Au-delà du décloisonnement des fonctions administratives apporté par la vision à 360° que peut avoir un assistant digital, des fonctions jusqu’alors externalisées vont se voir rapatriées car réalisables à des coûts largement inférieurs à l’externalisation. Il faudra alors réembaucher localement des spécialistes de ces métiers pour « manager » ces nouveaux assistants digitaux.

On le voit, l’introduction massive de l’Intelligence Artificielle sous forme d’assistants digitaux dans l’entreprise décuple sa compétitivité. Après avoir traité ses flux de données, unifié et structuré ses process, ce qui a fait baisser ses coûts de production, elle peut enfin réduire toutes ses charges administratives, optimiser ses coûts en temps réel et de manière exhaustive, trouver de nouvelles sources d’économies, améliorer sa compétitivité, augmenter ses marges, se développer aussi avec de la croissance externe, réinvestir, innover, et au final créer ou recréer de l’emploi.

On estime à 97 milliards de dollars le coût du Business Process Optimisation (BPO) dans le monde entier. Il est grand temps de réagir et d’agir.

Intégration de l’IA dans les entreprises et au niveau de l’état

Cette intégration dans l’entreprise est lente et continue car, contrairement au grand public où les changements sont radicaux - on passe du Nokia 3310 à l’iPhone (du « feature » phone au smartphone) en quelques mois -  l’introduction de l’intelligence artificielle au travers d’assistants digitaux implique aussi de grandes mutations dans l’organisation de l’entreprise et soulève des enjeux de gouvernance et des nouvelles manières de travailler.

L’entreprise est interdépendante de l’état. Cette interdépendance est nécessaire mais elle a un coût pour les deux parties. L’entreprise est submergée de charges et autres taxes qui plombent sa compétitivité. L’état échoue année après année à réduire ses dépenses. Pourtant, en allégeant sa structure de coût, en allégeant le nombre de fonctionnaires, la charge de l’état diminuera, l’impôt diminuera et la dette aussi. Les sociétés, grandes pourvoyeuses de fonds de l’état, seront moins sollicitées et pourront réinvestir, se développer. L’impôt et l’état sont une nécessité à la démocratie mais ne doivent pas être un frein au développement industriel de par la charge qu’ils représentent. L’intelligence artificielle est une opportunité pour ramener le prix du service de l’état à un niveau tolérable.

La création d’un écosystème autour de l’Intelligence Artificielle

Cette intégration massive de l’intelligence artificielle dans les entreprises et l’état Français sera aussi une excellente opportunité de créer une filière industrielle tout entière. En effet, issues de nos laboratoires de recherche et de notre vivier d’entrepreneurs, de nombreuses sociétés françaises se sont lancées dans l’intelligence artificielle avec succès. Leurs produits, souvent uniques et surtout novateurs, raflent les premières places face à des compétiteurs américains dix fois plus financés. Ces sociétés sont à même, dès aujourd’hui, de fournir les assistants digitaux de demain créant ainsi les futurs fleurons mondiaux de l’intelligence artificielle pour l’entreprise.

Intégrer ces assistants digitaux dans les entreprises françaises, c’est aussi créer de nouveaux acteurs périphériques chargés  de l’intégration, de l’installation et de la maintenance de ces nouveaux systèmes. D’où la création d’emplois.

L’Intelligence Artificielle, une nouvelle « révolution industrielle » à laquelle doivent participer la France et l’Europe

L’arrivée de l’intelligence artificielle dans l’entreprise et l’administration de l’état est une révolution, comme on est passé de la vapeur à l’électricité en d’autres temps. Nos entreprises, notre état, le pays tout entier ont une chance unique de gagner en compétitivité en déployant ces solutions tout en favorisant le développement de notre propre filière industrielle à même de créer des emplois. Le Japon et même les très libéraux Etats Unis ont su mettre en place ces politiques vertueuses pour développer des filières entières et les exporter ensuite dans le monde entier. Il faut pour cela se donner les moyens de réussir en mettant en place un plan ambitieux « Intelligence Artificielle », comme l’ont été les plans stratégiques des filières nucléaire ou aéronautique dans le passé.

Il faut tout d’abord encourager les entreprises à s’équiper comme l’a déjà fait  l’état dans certains domaines comme la Déclaration Sociale Nominative.

On le voit, l’état sait intervenir sur son industrie en adaptant sa fiscalité ou certaines de ses lois comme dans l’automobile. Il n’aura aucun mal à faire preuve une nouvelle fois de créativité. De la même manière, à l’autre bout de la chaine, il faut investir massivement dans ces nouveaux acteurs, dans l’innovation mais aussi dans l’invention en donnant un nouveau souffle à la valorisation de la recherche qui souffre, comme dans les autres domaines, de ne pas avoir la culture du marketing produit. Notre challenge, en France comme au niveau Européen, est de savoir créer de nouveaux acteurs, de taille intermédiaire, à même d’effectuer les futures consolidations nécessaires à la préservation de nos actifs industriels pour ne pas les voir absorbés dès leur plus jeune âge par les géants Américains et Chinois.  Nous avons cette opportunité extraordinaire avec l’Intelligence Artificielle où, pour une fois je pense, toutes les planètes sont alignées pour que nous puissions créer une filière industrielle à même de concurrencer le monde entier.

A propos de l'auteur

Stéphane Roder
VP Strategist Dhatim

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