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Par :
Eric Alonso

mer, 22/02/2012 - 11:25

La prise d’initiatives innovantes, la créativité et la remise en cause perpétuelle ont gagné du terrain dans le discours managérial, de même que s’affirme l’enjeu de positionner les bonnes ressources au bon moment, dans des environnements de plus en plus instables. Pour conserver leur légitimité, conquérir de nouvelles opportunités ou simplement conserver leurs parts de marché (et leur niveau de croissance), les entreprises se trouvent, et ce quelle que soit leur taille, contraintes d’adapter en continu leurs comportements, leur activité, et leurs offres. Par Eric Alonso Associé de Keyrus Management.

Etre agile, face à la crise

Les termes « Agilité » et « Agile » sont réapparus il y a peu dans le langage managérial, pour justifier un besoin de flexibilité, de réactivité et de renouveau face à la crise économique. Issu du latin « agere » (actif), ce concept d’agilité s’analyse donc comme une volonté d’agir, d’être réactif (voire, de prendre des risques) dans un temps de crise où la réorientation et la détermination sont requises. Parler d’organisation ou d’entreprise agile pose les bases d’une reconsidération des règles traditionnelles de la gestion, pour parvenir à un niveau d’action entièrement différent. D’un point de vue stratégique, l’agilité réside dans la conquête de nouveaux marchés, dans la prise de risque, dans l’appréhension des nouveaux enjeux sociaux et environnementaux. Aussi, au niveau de la stratégie opérationnelle, elle consiste en une capacité à intégrer les parties prenantes dans les pratiques d’entreprise, et en une meilleure compréhension du « business » par la ré-estimation de l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur dans une logique de création d’un avantage concurrentiel. En d’autres termes, parler d’agilité, c’est nécessairement parler de stratégie et, plus spécifiquement, de l’organisation, de la culture et du modèle de management qui permettront de relayer au mieux le besoin de réactivité.

L’agilité a touché en particulier, dans ses premières applications, le domaine technique informatique de la conception de logiciels. Les partisans des Méthodes Agiles ont ainsi défini quatre valeurs clés attachées à l’organisation agile. Au-delà des systèmes d’information, celles-ci peuvent parfaitement s’adapter à l’entreprise dans sa globalité :

  • Equipe (individus et interactions)
  • Application (processus et logiciels opérationnels)
  • Collaboration (avec les parties prenantes)
  • Acceptation du changement (adaptation et transformation)

Un constat s’impose, au regard des résultats d’une étude récente sur les applications intuitives et leur influence sur la productivité des entreprises1 : l’agilité en entreprise conditionne la performance et influence l’ensemble du processus de production. Cette étude internationale, menée auprès de plus de 1200 entreprises, révèle le besoin de solutions agiles pour répondre aux contraintes d’un environnement de plus en plus complexe. En ce sens, les systèmes d’information constituent toujours un levier prédominant de l’agilité en entreprise. De façon croissante, les entreprises comprennent que les dépenses en systèmes d’information ne sont plus des centres de coûts fixes, mais sont intrinsèquement liées à la stratégie.

Penser un management des systèmes d’information efficient c’est aujourd’hui penser un relai de la stratégie globale de l’entreprise et, par extension, une organisation agile. L’exemple des réseaux sociaux d’entreprise est frappant : l’entrée de ce type d’outils dans le champ des pratiques internes est révélatrice du besoin en fluidité et flexibilité dans les échanges, tant avec l’externe qu’en interne. Ces outils permettent de relayer la stratégie globale dans la mesure où ils offrent une porte d’entrée, pour tous les acteurs, à l’activité de l’entreprise, et sont vecteur de la gestion de la relation client (que ce dernier soit un employé ou un consommateur). De même, les systèmes d’information décisionnels sont devenus des outils centraux pour augmenter l’efficience et l’efficacité de l’entreprise.

En outre, plus loin que le champ des systèmes d’information, une nouvelle appréhension stratégique et managériale du concept d’agilité permet d’affirmer que la constitution d’une organisation agile passe avant tout par une réflexion sur la forme d’organisation, soit sur la structure et la culture, qui pourront, au mieux, répondre aux besoins de réactivité. Une culture de l’agilité pourrait ainsi être définie comme une culture du changement, du renouveau et de l’innovation. L’idée sous-jacente est d’engager les individus dans la transformation, de motiver l’intelligence collective (et non plus seulement la réflexion isolée), et, surtout de modifier certaines valeurs ancrées dans la culture de l’entreprise et allant contre la notion de « droit à l’erreur ». Par ailleurs, devenir agile c’est également, dans les processus et leur organisation, optimiser les ressources, rationnaliser le travail et vouloir s’améliorer de façon continue. Cette réflexion peut, parfois, pousser à l’abandon ou à la restructuration de certaines tâches, et induit souvent une élévation des coûts directs et indirects, variables et fixes à court terme (tels que les coûts de recherche et développement, ou encore ceux liés à la mise en oeuvre de pratiques de gestion – Lean, Six Sigma, TQM, Yield... – ou au renouvellement du parc des immobilisations). Néanmoins, elle constitue, aujourd’hui, un passage obligatoire, dans une optique de progression long-termiste.

Les clés du succès pour les entreprises françaises

En France, de nombreux freins entravent le déploiement et l’opérationnalisation du concept d’agilité en entreprise. Ainsi, nombre d’organisations françaises, publiques ou privées, peuvent encore s’analyser comme des structures mécanistes. Si ces dernières enregistrent manifestement une forte productivité des employés (experts dans leur métier), de même qu’une expansion géographique aisée (les procédures techniques étant facilement réplicables d’une région à l’autre), elles semblent toutefois voir leurs projets de grande envergure s’effondrer assez régulièrement. C’est effectivement, dans ce type de structure, le contrôle (des processus, des résultats) qui prime aux niveaux opérationnels, d’où un manque de réactivité locale, d’innovations et de prise d’initiatives. Comment faire, alors, pour gérer ce rapport ambigu entre urgence du besoin de créativité, de liberté d’entreprendre, et puissance du contrôle financier, par nature restrictif des initiatives ? De plus, comment surmonter les fortes rigidités au changement (les individus sont habitués à travailler avec certains standards – plus précisément, ils n’ont pas une culture de l’apprentissage continu, dans le travail quotidien) ? L’ensemble de ces éléments est à l’origine d’un manque de flexibilité qui, compte tenu du contexte actuel, peut nuire aux ambitions stratégiques des organisations (et à leur besoin de transformations). Immobilisme, bureaucratie, dilemme court/long terme (au niveau du management particulièrement), problématique de la culture de l’expert, manque de compétences, aversion au risque… autant de facteurs qui freinent l’évolution des organisations vers un management agile. Aussi, pour combler le fossé et atteindre un certain niveau d’agilité, il n’est plus uniquement question d’innover du point de vue de l’offre ; il faut à présent transformer les pratiques managériales, les mécanismes internes de coordination entre les individus, l’orientation stratégique… et ce, dans un souci de différenciation.

1-   Savoir et pouvoir saisir les opportunités.

Dans une première mesure, devenir agile signifie, pour une entreprise, se doter de capacités d’analyse, afin d’évaluer au mieux son environnement (interne et externe), les opportunités qui s’offrent à elle, ainsi que les risques encourus. Il convient d’être à l’écoute et de savoir tirer les meilleures conclusions possibles de la masse d’informations qui lui arrivent. Ces compétences analytiques sont différenciantes, dès lors qu’elles permettent d’aboutir au système de gouvernance et de décision le plus efficient possible. Afin d’appuyer les entreprises dans ces démarches, le domaine des systèmes d’information décisionnels et de la Business Intelligence est devenu une source d’agilité indéniable. En simplifiant la prise de décision, ces outils aident les entreprises à être plus réactives, à faire des choix éclairés, et, de ce fait, à saisir les opportunités dès qu’elles se présentent, pour autant qu’ils soient bien intégrés et utilisés de façon adéquate.

2- S’adapter et faire preuve de flexibilité.

Pour mettre en oeuvre ses choix d’orientation, il n’est plus envisageable pour une organisation de se reposer sur ses compétences clés et sur ses ressources uniques ; elle doit aller plus loin et chercher la meilleure façon de les utiliser, compte tenu de l’environnement, du contexte institutionnel, des enjeux de la globalisation, et surtout, des parties prenantes. Répondre à un besoin de stratégie offensive c’est réussir à mobiliser les bonnes compétences et ressources, au bon moment et au bon endroit.

La flexibilité est donc bien une condition clé de l’agilité, permettant de répondre plus rapidement et efficacement aux contraintes/opportunités du contexte. Amazon.com a bien compris cet enjeu, en se donnant les moyens d’être flexible grâce à ses critères de recrutement : la gestion de la dimension humaine et des compétences devient un élément stratégique de différenciation et d’accroissement de la flexibilité. Ainsi cette entreprise a fait le choix de privilégier dans le recrutement les individus ayant au moins deux compétences clés distinctes, afin de lui permettre de s’adapter de façon perpétuelle.

3- Favoriser la collaboration.

Ce point essentiel (et qui tend à occuper une place de plus en plus centrale dans cette réflexion sur l’agilité) réside dans la garantie d’un environnement de collaboration, favorisant mutualisation et synergies entre les fonctions/ métiers/projets/initiatives de l’entreprise. Il est en ce sens nécessaire de passer à une culture collaborative, à une structure en réseau, qui mettent les parties prenantes au coeur du « business » (tant les employés que les fournisseurs ou les consommateurs). Le concept d’intelligence sociale est symbolique de cette prise de conscience : le dialogue entre les acteurs, internes et externes, est devenu un enjeu indispensable à la bonne marche des entreprises. Nombreuses sont celles qui ont fait le choix d’insérer les employés, voire même les consommateurs ou les citoyens, dans leur processus de décision, bousculant ainsi les modèles traditionnels de gestion (Google et son modèle 80/202 ; la multiplication des forums d’entreprises ; la mise en oeuvre de démarches RSE ; l’entrée de LinkedIn, Facebook ou Twitter dans les pratiques d’entreprises...). Les avantages sont donc partagés entre l’entreprise et les parties prenantes ; de nouvelles sources d’opportunités peuvent alors émerger.

4- Faire de l’innovation le moteur de la croissance.

En générant de l’innovation, les entreprises s’octroient les moyens de sortir de la crise. Ainsi, le phénomène de l’économie créative est aujourd’hui un levier de renouvellement du système économique : il s’agit de favoriser l’industrialisation de l’innovation, en dépassant le modèle individuel traditionnel du créateur (représenté essentiellement par les artistes, ou artisans isolés). Aujourd’hui, cette économie se retrouve à plus grande échelle dans des entreprises de tailles variables. Prenons le cas du secteur des matériaux de construction : les ressources en R&D peuvent constituer un flux continu d’innovations qui, s’il est géré et intégré aux processus productifs dans un souci de qualité globale, est une source indéniable de différenciation. Ainsi, contrairement à certains géants de l’industrie mondiale qui ne parviennent pas toujours à tirer partie de leur potentiel d’innovation, des organisations dans le domaine de l’architecture ou du design, sont parvenues à migrer vers cette économie créative (Starck Product ou encore Ikea).

Ces 4 pistes sont utilisées de façon croissante au sein des entreprises, mais rarement de front, alors même que leur conjonction optimiserait largement la valeur ajoutée désirée. Au sein des entreprises soucieuses de s’engager dans une démarche de différenciation, un diagnostic du niveau de maturité de l’organisation existante, de ses processus et de sa culture, permet de moduler l’intensité de chacun de ces volets dans le système d’imbrication global, et de dimensionner au mieux l’approche de transformation vers plus d’agilité.

Eric Alonso Associé de Keyrus Management

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