jeu, 14/01/2016 - 14:38
2015 a été une année riche en rebondissements en ce qui concerne la sécurité informatique : piratages, scandales et chantages l’ont ponctué et causé de nombreux soucis aux services informatiques des entreprises. A l’occasion du passage à la nouvelle année, Michael Sutton, CISO de Zscaler, propose cinq grandes tendances de la cybersécurité à surveiller en 2016.
1/ Les logiciels de demande de rançon vont toucher le gros lot en s’invitant dans les entreprises
Les « rançongiciels » (ransomware) ont réussi leur coup. Les utilisateurs se montrent en effet particulièrement conciliants et, la mort dans l’âme, finissent par verser une somme certes élevée, mais pas excessive, pour récupérer leurs précieuses données. D’une rentabilité redoutable, le logiciel CryptoLocker a donné naissance à de nombreux clones après avoir été mis hors d’état de nuire par l’opération Tovar. Nombre de ces clones — dont les variantes CryptoWall et TorrentLocker — ont largement repris la formule gagnante, et des versions axées sur Linux et les plateformes mobiles commencent à apparaître. La mouture Linux est particulièrement importante, dans la mesure où elle risque d’avoir un impact significatif sur les sites Web et les référentiels de code d’entreprises qui, d’expérience, préfèrent payer plutôt que tirer un trait sur leur propriété intellectuelle. En 2016, les ransomware devraient de plus en plus toucher le monde de l’entreprise et il y a fort à parier que ces dernières devront s’acquitter de sommes nettement plus élevées que les particuliers. En effet, les criminels qui mènent ces campagnes de racket ne sont pas nés de la dernière pluie, et lorsqu’ils se rendent compte qu’ils ont verrouillé un code source et des documents financiers qui n’ont pas été correctement sauvegardés, vous pouvez avoir la certitude que le montant demandé pourra être des plus excessifs.
2/ Android fait enfin le ménage !
Concernant la prolifération des logiciels malveillants, Android est bien parti pour devenir le Windows des environnements mobiles. Avec 99 % des infections mobiles recensées, Android ne souffre d’aucune concurrence sur ce point, que ce soit sur tablettes ou sur smartphones. Grace à Bouncer, Google Play dispose d’un service plutôt performant pour écarter les menaces, mais ses limites apparaissent lorsque l’utilisateur se rend dans les app-stores chinois peu recommandables pour y dénicher des versions de Candy Crush à prix cassé. Google avait commencé à apporter des améliorations avec Marshmallow, dernière mouture de l’OS, lors du passage aux autorisations applicatives granulaires (Granular App Permissions), un service qui permet d’identifier plus clairement les contrôles dont une application bénéficiera une fois installée. Si la suppression de l’accès à la totalité des magasins d’applications de tierce partie risque de déplaire fortement à la base d’utilisateurs, la prochaine itération d’Android devrait commencer à faire le tri en s’attaquant à certains fournisseurs. Depuis Jelly Bean 4.2, la fonction de balayage anti-virus embarquée en mode cloud a été ajoutée par le biais de la fonction Verify Apps. Cette amélioration — car c’en est une — reste toutefois insuffisante. Zscaler détecte et publie régulièrement sur son blog des billets concernant les applications malveillantes provenant d’app-stores Android parallèles. Google devra restreindre les autorisations accessibles aux applications non homologuées par le processus de soumission de Google Play. Les applications chargées hors Google Play et qui demandent une autorisation de niveau administrateur devraient prochainement disparaitre. Google va également commencer à imposer des délais acceptables pour les correctifs et les mises à jour de firmware, lesquels sont en grande partie contrôlés par ses partenaires OEM. Ces mesures ne suffiront toutefois pas à éliminer les logiciels malveillants sur Android, compte tenu notamment de la lenteur du cycle de mise à niveau du système d’exploitation. Toutefois elles élèveront le niveau de qualité des app-stores de tierce partie, comme Bouncer l’a fait pour Google Play.
3/Les cybercriminels font ami-ami avec les groupes terroristes
Les organisations terroristes sont en permanence à la recherche de nouveaux moyens de semer la peur et ont besoin de financements considérables pour mener leurs programmes. Les hackers de haut vol interviennent sur ces deux fronts. Les cyberattaques peuvent être utilisées par des terroristes pour obtenir des renseignements relatifs à de futures opérations et déjà, des attaques virtuelles sont lancées dans le but de provoquer des dégâts physiques. L’année dernière, des hackers ont sérieusement endommagé une aciérie allemande en mettant hors service les systèmes chargés de contrôler un haut fourneau. Alors que la quasi-totalité des industries s’appuient sur des systèmes informatiques, le nombre d’attaques potentielles est énorme et le piratage s’est imposé comme une activité extrêmement lucrative. Par exemple, les créateurs du ransomware CryptoLocker ont amassé une trentaine de millions de dollars en quelques mois. Ce potentiel est sans nul doute dans le radar d’organisations terroristes telles que Daesh, qui ont démontré leur parfaite maîtrise des hautes technologies pour recruter et diffuser leur propagande. De plus, les terroristes n’auront pas besoin d’acquérir les compétences nécessaires, compte tenu de la large disponibilité de cybercriminels peu regardants et qui ne demandent qu’à louer leurs compétences au plus offrant.
4/ Le chiffrement n’est plus réservé aux geeks
Les communications chiffrées ont longtemps été un fléau pour les spécialistes du maintien de l’ordre et du renseignement. Face aux interrogations croissantes concernant le respect de la vie privée, l’utilisation d’outils de cryptage fort applicables aux logiciels de messagerie et au stockage des données n’est plus réservée aux seuls Geeks. Le chiffrement s’est rapidement imposé comme une fonction de sécurité qu’attendent les utilisateurs, mais également comme un facteur différenciateur. À présent, iOS crypte les données par défaut tandis qu’Android, toujours à la traîne, fait tout pour combler son retard. Des applications de « chat » aussi populaires que WhatsApp revendiquent le chiffrement comme une caractéristique à part entière, tandis que l’application iMessage d’Apple, qui dispose d’un chiffrement de bout-en-bout sans référentiel de clés centralisé, est souvent épinglée par les forces de l’ordre qui dénoncent la présence d’une porte d’entrée discrète (« back door »). L’année prochaine, les deux tendances vont s’affronter. Alors que les hommes politiques faisaient tout pour éviter soigneusement le sujet suite aux violations de la vie privée mises à jour par Edward Snowden, les récentes attaques terroristes ont placé cette question au premier plan. Plusieurs lois vont à coup sûr être votées pour proposer des protocoles ou des procédures de cryptage allégés, ce qui permettrait aux forces de l’ordre d’accéder au besoin à des communications non chiffrées. Or, il est impossible d’être « pratiquement sécurisé. C’est une bataille qui aura de graves répercussions au cours des années à venir. En espérant qu’Apple, Google, Microsoft et autres Yahoo l’emporteront.
5/ Les partenaires, nouveau maillon faible
Les entreprises externalisent de plus en plus la technologie pour rationaliser les coûts dans des domaines qu’elles ne considèrent pas comme prioritaires. Pour les pirates qui visent un sous-traitant moins regardant sur la sécurité, c’est le gros lot à coup sûr. Non seulement la faille permet d’accéder à la cible initiale, mais elle ouvre également la voie vers d’autres entreprises qui seront en relation avec ce même fournisseur. Les pirates ont bien évidemment saisi le potentiel d’un tel mode opératoire, et vont passer à la vitesse supérieure en 2016. Face à cette menace, les entreprises doivent étendre le périmètre des règles et procédures de sécurité au-delà de leurs propres systèmes et effectifs. Pour leur part, les partenaires de confiance devront observer les mêmes normes de sécurité et être soumis à des tests de pénétration et des audits afin de certifier le respect des normes définies par leurs clients.
A propos de l'auteur